Pourquoi trop d'entrepreneurs aux Antilles échouent : la saturation des marchés insulaires décryptée
Dans les petites îles comme la Martinique et la Guadeloupe, l’entrepreneuriat séduit de plus en plus de candidats, mais nombreux sont ceux qui sous-estiment les dangers d’un marché saturé et aux ressources limitées. Quand trop de projets similaires voient le jour sans tenir compte des barrières à l’entrée, la rentabilité s’évapore et la concurrence devient féroce, mettant en péril aussi bien les nouveaux venus que les pionniers du secteur. Pourquoi analyser la concurrence et les obstacles avant de se lancer est essentiel, et comment l’association Swé propose une réflexion inédite sur un entrepreneuriat adapté au contexte insulaire ? Explorons cet enjeu de taille pour l’économie et le tissu social des Antilles.
Les barrières à l'entrée : un enjeu crucial pour l'entrepreneuriat dans les petites économies insulaires de la Martinique et de la Guadeloupe
Dans les territoires insulaires de la Martinique et de la Guadeloupe, l'entrepreneuriat connaît un dynamisme remarquable, mais paradoxalement fragile. En 2023, plus de 8 000 entreprises ont été créées en Guadeloupe, tandis que la Martinique en comptait près de 9 000. Pourtant, derrière ces chiffres encourageants se cache une réalité plus complexe : celle d'un marché limité où l'absence de barrières à l'entrée peut rapidement transformer l'opportunité en saturation, menaçant aussi bien les nouveaux entrants que les pionniers d'un secteur.
L'association Swé, pionnière du concept d'« Entrepreneuriat enraciné » en Martinique, place cette problématique au cœur de sa réflexion sur les passerelles culturelles, économiques et démographiques liées aux principes de l'entrepreneuriat. Car dans ces petites économies insulaires, comprendre et anticiper les barrières à l'entrée n'est pas un luxe stratégique : c'est une nécessité de survie.
Comprendre les barrières à l'entrée : un concept économique fondamental
Les barrières à l'entrée désignent l'ensemble des obstacles qui empêchent ou limitent l'arrivée de nouveaux concurrents sur un marché. En théorie économique, ces barrières peuvent prendre plusieurs formes : coûts de démarrage élevés, réglementations strictes, économies d'échelle favorisant les acteurs établis, fidélité des clients aux marques existantes, ou encore accès limité aux canaux de distribution.
Ces obstacles jouent un rôle protecteur pour les entreprises déjà implantées, en préservant leurs parts de marché et leur capacité à générer des revenus et des profits. À l'inverse, l'absence de barrières à l'entrée facilite certes la création d'entreprises, mais expose les marchés à une saturation rapide, particulièrement préjudiciable dans les économies de petite taille comme celles des Antilles françaises.
Les spécificités des petites économies insulaires : des marchés naturellement limités
Les petites économies insulaires comme la Martinique et la Guadeloupe présentent des caractéristiques structurelles qui amplifient l'importance des barrières à l'entrée.
Un marché restreint par la démographie
Avec une population estimée à 378 561 habitants en Guadeloupe et environ 355 500 en Martinique au 1er janvier 2025, ces territoires font face à une double contrainte : une population limitée et en déclin. La Guadeloupe perd en moyenne 0,5% de sa population annuellement depuis 2014, tandis que la Martinique enregistre un recul démographique continu. Cette érosion démographique réduit mécaniquement la demande globale et limite le potentiel de croissance des entreprises locales.
La population active guadeloupéenne s'établit à 168 874 personnes, ce qui, rapporté au tissu entrepreneurial local, signifie un bassin de clientèle potentielle extrêmement restreint. Dans ce contexte, chaque nouveau concurrent capte une part significative d'un gâteau qui ne peut guère s'agrandir.
Des économies peu diversifiées et dépendantes
Les petites économies insulaires souffrent d'une diversification limitée de leur tissu productif. Les ressources sont limitées en valeur absolue, et les économies d'échelle difficiles à réaliser dans de nombreux secteurs. Cette situation crée des vulnérabilités particulières : dépendance aux importations pour de nombreux produits et services, coûts de transport élevés, et sensibilité accrue aux chocs externes.
En Guadeloupe, les entreprises ont généré 3,3 milliards d'euros de valeur ajoutée en 2022, tandis qu'en Martinique, ce chiffre s'élevait à 3,9 milliards. Ces montants, bien qu'importants en valeur absolue, reflètent des marchés de taille modeste à l'échelle internationale, où la capacité d'absorption de nouveaux acteurs est naturellement limitée.
Le phénomène du comportement moutonnier : quand l'absence de barrières crée l'effet de saturation
L'un des risques majeurs dans les petites économies insulaires réside dans ce que les économistes appellent le « comportement moutonnier » ou mimétique. Ce biais comportemental, bien documenté en finance comportementale, pousse les individus à imiter les décisions des autres sans analyse approfondie de leur propre situation.
Le mécanisme de l'imitation entrepreneuriale
Lorsqu'un entrepreneur ouvre un business dans un secteur où les barrières à l'entrée sont faibles ou inexistantes, et rencontre un succès initial, il envoie un signal au marché. D'autres aspirants entrepreneurs, observant ce succès apparent, sont tentés de reproduire le modèle sans nécessairement conduire une étude de marché approfondie ou analyser la concurrence.
Ce phénomène est particulièrement marqué dans les secteurs à faible investissement initial. L'exemple des instituts de beauté et de l'onglerie en est une illustration parfaite.
Le cas emblématique du secteur de l'onglerie aux Antilles
Le secteur de l'onglerie et du nail art a connu un véritable boom aux Antilles françaises ces dernières années. Ce phénomène s'explique par plusieurs facteurs : des barrières à l'entrée quasi inexistantes (investissement initial modeste, pas de diplôme obligatoire strictement contrôlé, possibilité d'exercer à domicile), une demande apparente forte, et des marges perçues comme attractives.
Résultat : une prolifération d'instituts et de prothésistes ongulaires qui a rapidement saturé le marché. La clientèle, pourtant limitée par la taille de la population, ne peut absorber cette offre pléthorique. Les conséquences sont multiples : guerre des prix avec érosion des marges, difficultés à fidéliser une clientèle dispersée entre de nombreux prestataires, et finalement, rentabilité compromise tant pour les nouveaux entrants que pour les pionniers du secteur.
Cette saturation illustre parfaitement le danger d'un marché sans barrières à l'entrée dans un contexte insulaire : l'afflux massif de nouveaux acteurs dépasse rapidement la capacité d'absorption du marché, créant une situation où personne ne peut véritablement prospérer.
Les conséquences économiques de la saturation : un jeu à somme négative
Contrairement à ce que pourrait suggérer la théorie classique de la concurrence parfaite, la multiplication excessive d'acteurs sur un marché restreint ne bénéficie pas nécessairement au consommateur et nuit clairement aux entrepreneurs.
Érosion de la rentabilité pour tous
Lorsqu'une concurrence intense s'installe sur un marché saturé, les entreprises sont contraintes de baisser leurs prix pour attirer ou conserver des clients. Cette concurrence par les prix entraîne une baisse des marges bénéficiaires, rendant difficile pour les entreprises de maintenir leurs opérations et d'investir dans l'innovation.
Dans le secteur de la restauration guadeloupéenne, par exemple, les professionnels témoignent qu'« il est devenu difficile d'aller manger au restaurant pour moins de 80 euros à deux », conséquence d'une concurrence accrue combinée à des coûts de fonctionnement élevés. Paradoxalement, cette situation n'empêche pas la multiplication de nouveaux établissements, notamment des food trucks qui « fleurissent un peu partout » avec des charges plus faibles, accentuant encore la pression concurrentielle.
Augmentation des défaillances d'entreprises
Les données sur les défaillances d'entreprises aux Antilles sont éloquentes. Entre mars 2023 et mars 2024, le nombre de défaillances a augmenté de 22% en Guadeloupe et de 33% en Martinique. Sur l'ensemble de l'année 2024, 341 procédures ont été enregistrées en Guadeloupe (+8,6%) et 440 en Martinique.
Plus préoccupant encore, au premier trimestre 2025, les défaillances ont bondi de 29,5% en Guadeloupe, atteignant 408 cas, un niveau proche du pic historique de 2014. En Martinique, après une amélioration temporaire en fin 2024, la tendance s'est à nouveau dégradée avec une hausse de 2% au premier trimestre 2025.
Les secteurs les plus touchés reflètent les domaines où les barrières à l'entrée sont traditionnellement faibles : les services (36% des défaillances), la construction (24%), et le commerce (18%). Cette répartition sectorielle confirme que les activités accessibles sans compétences hautement spécialisées ou sans capitaux importants sont particulièrement exposées au risque de saturation.
Des taux de survie qui masquent la réalité
Il est intéressant de noter que paradoxalement, la Martinique affiche le taux de pérennité à 5 ans le plus élevé de France : 72,8% des entreprises créées en 2014 étaient encore actives en 2019. En Guadeloupe, ce taux atteint 67%, similaire à la moyenne nationale.
Toutefois, ces statistiques globales ne doivent pas masquer la réalité : survivre ne signifie pas prospérer. Beaucoup d'entreprises continuent d'exister sans générer de revenus suffisants pour assurer un niveau de vie décent à leur dirigeant, encore moins pour investir dans la croissance ou l'innovation.
La nécessité d'étudier la concurrence et les barrières potentielles : un impératif stratégique
Face à ces constats, l'étude de marché et l'analyse concurrentielle ne sont pas de simples formalités administratives dans l'élaboration d'un business plan : elles constituent des outils stratégiques essentiels à la viabilité d'un projet entrepreneurial dans un contexte insulaire.
Identifier les concurrents directs et indirects
La première étape d'une analyse concurrentielle consiste à recenser exhaustivement les acteurs présents sur le marché visé. Cette identification doit distinguer les concurrents directs (offrant exactement le même produit ou service) des concurrents indirects (répondant au même besoin par des moyens différents).
Dans le contexte antillais, cette étape prend une dimension particulière : le périmètre géographique est naturellement limité à l'île ou à quelques communes pour la plupart des commerces de proximité, facilitant théoriquement le recensement exhaustif. Pourtant, de nombreux entrepreneurs négligent cette phase, se contentant d'une perception superficielle de la concurrence.
Analyser le niveau de saturation du marché
Au-delà du simple recensement des concurrents, il est crucial d'évaluer le niveau de saturation du marché. Cette évaluation doit croiser plusieurs indicateurs :
Le nombre d'acteurs présents rapporté à la population cible
L'évolution récente du nombre de créations d'entreprises dans le secteur
Les signaux de difficulté économique (fermetures, baisse d'activité visible)
La fréquentation et le niveau d'activité des concurrents existants
Un marché saturé se caractérise par une situation où le potentiel de marché est presque complètement épuisé, et où les opportunités d'augmenter les ventes sont limitées. Dans ce contexte, l'entrée de nouveaux acteurs ne fait qu'aggraver la situation pour tous.
Identifier ou créer des barrières à l'entrée pour se protéger
Pour un entrepreneur réfléchi, la question des barrières à l'entrée doit être envisagée sous deux angles complémentaires.
D'abord, évaluer les barrières existantes qui pourraient protéger son activité de nouveaux entrants une fois établi. Ces barrières peuvent inclure :
La nécessité d'un investissement initial important (équipements spécialisés, local commercial premium)
Des compétences techniques pointues ou des certifications difficiles à obtenir
L'établissement d'une réputation et d'une relation de confiance avec la clientèle
Des contrats d'exclusivité avec des fournisseurs ou des partenaires stratégiques
Une innovation technologique ou méthodologique difficile à reproduire
Ensuite, créer activement des barrières à l'entrée pour se différencier et se protéger de la concurrence. Cette approche proactive peut passer par :
La spécialisation dans une niche mal servie par les concurrents existants
Le développement d'une expertise reconnue et difficile à imiter
La construction d'une identité de marque forte et distinctive
L'établissement de partenariats stratégiques exclusifs
L'innovation continue dans les produits, services ou processus
Adapter son positionnement stratégique
L'analyse concurrentielle doit déboucher sur un positionnement stratégique clair, fondé sur une réelle différenciation. Dans un marché saturé, il ne suffit pas d'offrir « la même chose en mieux » : il faut proposer quelque chose de fondamentalement différent qui réponde à un besoin insuffisamment couvert.
Cette différenciation peut s'opérer sur plusieurs leviers :
La qualité supérieure du produit ou service
Une expérience client unique
Un positionnement prix distinctif (premium ou ultra-accessible)
Une proposition de valeur innovante combinant plusieurs bénéfices
Une dimension éthique, locale ou durable particulièrement valorisée
Dans le contexte antillais, la dimension culturelle et l'ancrage territorial peuvent constituer de puissants facteurs de différenciation. C'est précisément la vision portée par l'association Swé à travers son concept d'« Entrepreneuriat enraciné », qui encourage les entrepreneurs à s'appuyer sur les spécificités culturelles, les savoir-faire locaux et les ressources du territoire pour créer une offre véritablement distinctive.
Le rôle des structures d'accompagnement : prévenir plutôt que subir
Face à ces enjeux, les structures d'accompagnement à l'entrepreneuriat ont une responsabilité cruciale dans la sensibilisation des porteurs de projet à l'importance de l'analyse concurrentielle et des barrières à l'entrée.
L'écosystème d'accompagnement aux Antilles
Les Antilles françaises disposent d'un écosystème relativement étoffé de structures d'accompagnement. En 2024, Bpifrance a accompagné 4 450 porteurs de projets en Antilles-Guyane (1 593 en Guadeloupe et 1 190 en Martinique) et 3 089 créateurs d'entreprises. Des dispositifs comme le Pass Créa, avec 5 700 pass créés fin 2024, visent à faciliter l'accès à l'accompagnement.
Des programmes spécifiques ciblent l'entrepreneuriat dans les quartiers prioritaires, reconnaissant que les barrières à l'entrée dans l'entrepreneuriat ne sont pas uniquement économiques mais aussi sociales et territoriales. Le programme « Entrepreneuriat Quartiers 2030 », doté de 456 millions d'euros au niveau national, illustre cette volonté d'inclusion.
En Martinique, des acteurs comme Martinique Développement proposent un accompagnement collectif et individuel, ainsi qu'un suivi via le dispositif Pass Gagnant. Le Réseau Entreprendre Guadeloupe offre des prêts d'honneur et un accompagnement par des chefs d'entreprise bénévoles.
L'association Swé : une approche innovante de sensibilisation
L'association Swé, basée en Martinique, se distingue par son approche globale de l'entrepreneuriat. Association de loi 1901 investissant dans l'entrepreneuriat, l'inclusion et l'animation de la vie sociale sur le territoire martiniquais, Swé se positionne comme pionnière du concept d'« Entrepreneuriat enraciné ».
Cette approche intègre pleinement la réflexion sur les passerelles culturelles, économiques et démographiques liées à l'entrepreneuriat. En sensibilisant les jeunes martiniquais à l'entrepreneuriat par des interventions dans les établissements scolaires, et en orientant les porteurs de projet, Swé contribue à former une nouvelle génération d'entrepreneurs conscients des enjeux spécifiques aux petites économies insulaires.
Les axes d'amélioration nécessaires
Malgré ces efforts, l'accompagnement entrepreneurial pourrait être renforcé sur plusieurs aspects liés aux barrières à l'entrée :
Une sensibilisation accrue à l'analyse concurrentielle : trop souvent considérée comme une formalité, cette étape devrait être au cœur de tout parcours d'accompagnement, avec des outils adaptés aux réalités insulaires.
Un diagnostic de saturation sectorielle : les structures d'accompagnement pourraient développer des observatoires sectoriels permettant d'alerter les porteurs de projet lorsqu'un marché approche de la saturation.
Un accompagnement à la différenciation stratégique : aider les entrepreneurs non seulement à identifier leur marché, mais surtout à définir un positionnement véritablement distinctif et durable.
Une mise en garde éthique : quand un marché est manifestement saturé, les structures d'accompagnement ont la responsabilité d'en informer clairement les porteurs de projet, quitte à les encourager à réorienter leur activité vers des secteurs moins encombrés.
Recommandations pour un entrepreneuriat durable dans les petites économies insulaires
À la lumière de cette analyse, plusieurs recommandations peuvent être formulées à destination des différents acteurs de l'écosystème entrepreneurial antillais.
Pour les aspirants entrepreneurs :
Ne jamais lancer un projet sans une analyse concurrentielle approfondie, même si le secteur semble accessible et attractif
Évaluer objectivement le niveau de saturation du marché visé en utilisant des données quantitatives (nombre de concurrents, évolution des créations, taille du marché)
Privilégier les secteurs où des barrières à l'entrée naturelles existent ou peuvent être créées (expertise technique, innovation, capital initial significatif)
Construire un positionnement véritablement différenciant plutôt que de simplement reproduire un modèle existant
Anticiper les moyens de créer ses propres barrières à l'entrée pour protéger son activité une fois lancée
Pour les structures d'accompagnement :
Développer des observatoires sectoriels fournissant des données actualisées sur le niveau de saturation des différents marchés
Intégrer systématiquement un module d'analyse concurrentielle approfondie dans tous les parcours d'accompagnement
Avoir le courage de décourager certains projets lorsque le marché visé est manifestement saturé, en orientant les porteurs vers des alternatives plus viables
Former les entrepreneurs aux concepts de barrières à l'entrée et de différenciation stratégique
Promouvoir l'innovation et la création de valeur plutôt que la simple reproduction de modèles existants
Pour les pouvoirs publics :
Éviter de subventionner indistinctement tous les projets de création, au risque d'encourager l'entrée dans des marchés déjà saturés
Orienter les aides publiques vers des secteurs stratégiques présentant un potentiel de croissance réel
Favoriser l'innovation et la différenciation par des dispositifs de soutien spécifiques
Soutenir la structuration de filières permettant de créer des barrières à l'entrée collectives (labels de qualité, certifications territoriales)
Promouvoir la formation professionnelle qualifiante qui crée naturellement des barrières à l'entrée par la compétence
Conclusion : vers un entrepreneuriat éclairé et durable
Dans les petites économies insulaires de la Martinique et de la Guadeloupe, les barrières à l'entrée constituent un enjeu stratégique majeur pour la pérennité du tissu entrepreneurial. Loin d'être de simples obstacles à la création d'entreprise, elles jouent un rôle régulateur essentiel, protégeant les marchés de la saturation et permettant aux entrepreneurs de construire des activités viables et durables.
Le phénomène observé dans des secteurs comme l'onglerie, où le boom des créations a conduit à une saturation préjudiciable pour tous les acteurs, illustre les dangers d'un entrepreneuriat mimétique, insuffisamment réfléchi et mal anticipé. Dans un contexte de population limitée et en déclin, où chaque nouveau concurrent pèse significativement sur un marché restreint, la multiplication anarchique d'entreprises dans les mêmes secteurs conduit à un jeu à somme négative où tout le monde perd.
L'approche promue par l'association Swé, avec son concept d'« Entrepreneuriat enraciné », offre une voie alternative prometteuse : plutôt que de reproduire des modèles standardisés, elle encourage les entrepreneurs à s'ancrer dans les spécificités culturelles, économiques et territoriales de leur île pour créer une offre véritablement distinctive. Cette démarche, par nature, contribue à ériger des barrières à l'entrée fondées sur l'authenticité, l'expertise locale et l'innovation adaptée au contexte insulaire.
À l'heure où les défaillances d'entreprises augmentent significativement dans les deux départements, il est urgent de promouvoir un entrepreneuriat plus éclairé, fondé sur une analyse rigoureuse des marchés, une compréhension fine des dynamiques concurrentielles, et une volonté de se différencier plutôt que d'imiter. Les chiffres parlent d'eux-mêmes : avec plus de 8 000 créations d'entreprises annuelles dans chacun des deux départements, mais des taux de défaillance en hausse continue, le défi n'est plus de créer plus d'entreprises, mais de créer des entreprises plus viables, plus innovantes et mieux positionnées.
Cette transformation nécessite un effort collectif impliquant aspirants entrepreneurs, structures d'accompagnement et pouvoirs publics. Elle exige aussi un changement de mentalité : reconnaître que dans une petite économie insulaire, la qualité de l'entrepreneuriat prime sur la quantité, et qu'une analyse approfondie de la concurrence et des barrières à l'entrée n'est pas un frein à l'entrepreneuriat, mais la condition même de sa durabilité.